À Bordeaux, un cerisier pour tout réinventer -

Un couple de trentenaire troque l’effervescence parisienne pour le calme bordelais. Leur nid va se tisser autour d’un cerisier d’un puits de lumière, tel le symbole d’une renaissance.

Accord. Habillé d’un ton Terre sinople, le mur entre le salon et la terrasse floute la frontière dedans-dehors.

Après la pandémie de la Covid-19, Florent et Claire décident de changer de vie : au revoir Paris, bonjour Bordeaux. Le couple de trentenaires fait appel à Constance Delaux, architecte HMONP et fondatrice de l’agence Studio Add, pour l’accompagner dans la recherche du bien idéal : un terrain d’expression propice à une rénovation audacieuse tout en contrastes et en… surprises. L’appartement de 105 m² oscille entre atouts de charme et contraintes de taille : niché en plein centre-ville, au pied d’un grand parc, le logement dispose d’une terrasse en léger surplomb, sans vis-à-vis. Mais derrière ces promesses se cachent des volumes biscornus, une orientation plein nord et une unique source de lumière naturelle.

Une organisation renversée

Le cahier des charges est relativement simple : nécessité d’avoir deux chambres avec salles de bains, un espace bureau pour télétravailler et une pièce de vie ouverte, fluide, sans surcharge. Le tout dans un volume contraint, où règne une lumière parcimonieuse. La solution ? Restructurer radicalement les lieux. La façade côté jardin est modifiée pour accueillir de vastes ouvertures grâce à l’ajout d’IPN. La pose d’une autre poutre métallique offre de larges fenêtres à la suite parentale. Un oculus en verre espion, cerclé de vert amande, diffuse une lumière douce entre les pièces. Le coeur de l’appartement est repensé autour d’un bloc bureau vitré, paré d’un contreplaqué en bouleau. Derrière une immense verrière, ce noyau central profite du puits de lumière au plafond pour accueillir un cerisier. La bibliothèque, adossée à la cuisine, fait office de cloison, tournant le dos aux ustensiles pour mieux ouvrir la perspective vers l’espace de travail.

Palette sensible, gestes audacieux

Constance Delaux revendique un langage coloré, sensible, parfois osé. Ici, la carte blanche est presque totale, les propriétaires souhaitent avant tout être surpris. Mission accomplie. Les contrastes rythment les volumes, les couleurs dessinent les transitions et instaurent des atmosphères. Les peintures naturelles, signées Argile, posent le ton : blanc de Meudon dans le salon, terre Sinople côté terrasse. Dans les chambres, les teintes s’étirent du rose au bordeaux, glissant jusqu’au prunus. Teintes claires pour le repos, plus profondes pour le bain. Chaque nuance dialogue avec la suivante, crée des séquences. Dans les sanitaires, le verso de l’oculus agit comme un miroir lorsqu’il est éclairé et devient source de lumière quand la pièce plonge dans l’obscurité. Joli tour de passe-passe.

Un art de vivre en filigrane

Trois arches structurent les passages, démultipliées par des jeux de miroirs qui décuplent la lumière. L’effet est saisissant : six courbes se répondent, amplifiant les volumes et guidant la clarté jusque dans la salle de bains aveugle. Le contraste des sols – parquet et béton ciré – clarifie la fonction des espaces. Et tout, des parois en bouleau au sol beige, s’accorde selon une harmonie chromatique subtile : les teintes partagent une même racine RAL, pour une élégante continuité. Au-delà de l’esthétique, ce projet traduit la vision d’un habitat poétique, durable, humain. L’arbre stabilisé, les matières naturelles, les cloisons légères, la lumière retrouvée, les jeux de couleurs évoquent la transformation, la renaissance. Sous le cerisier, la vie nouvelle de Florent et Claire peut commencer.